La définition de l’abstraction diffère selon les artistes : pour Gauguin, elle relevait de l’ »incompréhensible » à cause de l’éloignement du réel qu’elle implique ; chez Van Gogh, c’était l’expression de la psyché de l’artiste. Kandinsky, l’un des fondateurs de l’abstraction, l’associe quant à lui au rythme d’une mélodie, transcrivant en lignes, formes et couleurs, les notes de musique… Selon le critique d’art et écrivain Charles Estienne (1908-1966), une oeuvre abstraite « ne représente rien du monde extérieur mais tout – si possible – du monde intérieur que porte en soi l’artiste ».
Les techniques des artistes abstraits sont aussi variées que leur expression et que leur style, et c’est ce que donne à voir l’ambitieuse exposition » Abstraction » du musée Artizon (Tokyo) qui se tient jusqu’au 20 août : environ 250 oeuvres, de la fin du 19e siècle, qui voit la genèse de cet art avec Gauguin, Cézanne ou Monet, jusqu’au 21e siècle, dans des zones géographiques aussi éloignées que l’Europe, les États-Unis et le Japon !
Du 1er au 12e chapitre, le visiteur se laisse progressivement happer par un tourbillon de formes et de couleurs, passant des impressionnistes, aux fauves et aux cubistes, pour plonger dans le coeur du sujet avec l’orphisme, le Cavalier Bleu, le Bauhaus ou le futurisme, qui représentent à la fois l’éclosion et l’âge d’or de l’abstraction, avant la Première Guerre mondiale. Elle explore également l’émergence de l’art abstrait dans le Japon d’avant-guerre avec les avant-gardistes Onchi Toshiro, Koga Harue ou Okamoto Taro.
Viennent ensuite l’abstraction lyrique (Seconde École de Paris) et la Hot Abstraction d’après-guerre (Fautrier, Dubuffet, Hans Hartung, Zao Wuki, Domoto Hisao, Imai Toshimitsu…), l’expressionnisme abstrait aux États-Unis avec les grands formats de Willem de Kooning, Pollock, Rothko, Ad Reinhardt puis l’art abstrait dans le Japon d’après-guerre avec, notamment, les obsédantes toiles monochromes du mouvement GUTAI né en 1954 à Ashiya, non loin d’Osaka.
Le dernier chapitre présente les créations de 7 artistes contemporains : les toiles sculpturales aux épaisses couches de matière intensément colorées de la Franco-Japonaise Anne Kagioka-Rigoulet; les acryliques monochromes de Lou Zhenggang qui évoquent les paysages au lavis sur rouleau de la tradition chinoise ou encore les compositions oniriques tout en nuances de Miyuki Tsugami…
C’est un peu étourdi que l’on ressort de cette exposition-tour de force pour laquelle, une fois n’est pas coutume, le musée Artizon a fait appel au Centre Georges Pompidou, à la Philips Collection de Washington DC ainsi qu’à plusieurs musées ou collectionneurs privés japonais, tout en présentant pas moins de 99 de ses nouvelles acquisitions !
https://www.artizon.museum/en/exhibition/detail/565
