* VOTRE PREMIER CONTACT AVEC L’ART ET CE QUI FAIT QUE VOUS ÊTES DEVENU ARTISTE
Très jeune, une exposition de Matisse a marqué mon premier contact avec l’art. Bien sûr, je n’étais qu’un enfant à l’époque, et je ne comprenais pas pleinement la portée de son travail.
Cependant, ses couleurs vibrantes, la fluidité de ses lignes et la simplicité de ses compositions m’ont profondément impressionné, au sens propre du terme. Au fil des années, en revisitant son œuvre, son approche a commencé à prendre sens pour moi, nourrissant ma réflexion sur la manière dont l’art peut conjuguer force et délicatesse. La peinture s’est imposée tout naturellement à moi.
* 3 OEUVRES
– Landscape 10124 (2024) (4 panneaux);
– Triptyque rose et gris (2024)(3 panneaux);
– Peinture 1924 (2024)
Ces trois pièces sont peut-être les plus représentatives de mon travail. J’ai choisi une oeuvre très colorée, une autre plus proche du monochrome avec un long travail de superposition et enfin un triptyque avec une approche plus directe et rapide dans la réalisation.
Ce qui caractérise mon travail, c’est un mélange de pièces longuement élaborées, et d’autres qui ont besoin d’être réalisée dans l’urgence. Ces deux approches peuvent sembler se contredire, mais elles reflètent qui je suis.
* VOTRE PARCOURS
Avant de me consacrer entièrement à la peinture, j’ai travaillé comme marionnettiste au sein de la compagnie Yves Vedrenne en France. Cette expérience m’a sensibilisé aux notions de mouvement, de rythme et de composition, qui continuent d’influencer mon travail aujourd’hui. C’est également à cette époque que j’ai découvert le Bauhaus, dont les principes d’équilibre entre art, artisanat et fonction restent une source d’inspiration essentielle dans ma pratique actuelle. Autodidacte, j’ai ressenti la nécessité de compléter ma formation artistique par un DNAP que j’ai passé à l’École supérieure d’art d’Aix-en- Provence.
Je n’ai commencé la peinture qu’après mon arrivée au Japon. Une première exposition à Osaka a été un point de départ important qui m’a donné l’opportunité de collaborations avec des architectes. Ont suivi des commandes pour des hôtels: le Ritz Carlton, Westin Kyoto, Sheraton entre autres. Ce travail m’a particulièrement intéressé, d’une part pour l’occasion qu’il m’a donné de pouvoir travailler sur de très grands formats et, d’autre part, pour les rencontres et les collaborations qu’il a engendrées.
Pendant une petite dizaine d’années, j’ai été représenté par la Tezukayama art gallery qui, au moment du Covid, a décidé de ne se consacrer qu’à ses artistes japonais. Aujourd’hui, je suis représenté par une galerie à Nagoya, des galeries de design à Tokyo ainsi qu’une nouvelle galerie à Osaka pour 2025. À l’international, je travaille ponctuellement avec une galerie à Singapour et j’expose également régulièrement en France. En 2025, une exposition en Alsace et un salon à Bordeaux sont prévus.
* VOUS ET LE JAPON
Attiré par ce pays après une lecture marquante pendant l’adolescence – « Pavillon d’Or » de Yukio Mishima -, j’y ai d’abord effectué un séjour de quelques semaines, avant de m’y installer dans ma trentaine. Ma famille japonaise m’a permis de découvrir différents aspects de la culture traditionnelle comme l’art du thé, le théâtre Nô ou le théâtre Kabuki. La pratique du thé m’enseigne l’importance du rituel et de l’attention aux détails. Le théâtre Nô m’inspire par sa capacité à transmettre une émotion profonde avec une économie de moyens. Les rencontres avec des artisans de toutes disciplines m’amènent à repenser ma pratique de la peinture et la composition dans mes œuvres.
Récemment, j’ai passé quelques semaines à Shigaraki, non loin de Kyoto, réputé pour son argile exceptionnelle. J’ai eu l’opportunité d’y travailler avec un maître céramiste et de réaliser une dizaine de sculptures pour mon exposition à Nagoya en octobre dernier. Cette expérience m’a offert une nouvelle perspective sur la matérialité et la forme que je conte continuer d’explorer plus en profondeur.
* VOS SOURCES D’INSPIRATION
Mon inspiration vient d’une part de l’observation des éléments de nature que je trouve dans les jardins et que je photographie pour les travailler ensuite sur ordinateur, avant le passage à la peinture. L’architecture est également un élément qui me sert de base de travail, et la référence à la fenêtre traditionnelle japonaise intégrée dans une maison ou une salle de thé a été le déclencheur de mon travail sur la grille que je continue d’explorer depuis une dizaine d’années.
Parmi les nombreux créateurs que je continue de “côtoyer” je citerais Matisse bien sûr, l’artiste de mes jeunes années, mais aussi des photographes comme Saul Leiter, et Ishimoto Yasuhiro qui ont travaillé sur un minimalisme visuel et un dialogue continu entre forme et espace. Des mouvements minimalistes comme Dansaekwha et la démarche de l’artiste allemand Gunther Forg m’intéressent également beaucoup.
* VOTRE TECHNIQUE
J’utilise des matériaux variés comme le papier washi, très résistant à l’eau et très souple, le charbon de bois, le graphite, les pigments naturels et la peinture à l’huile en bâton.
Selon les sujets, je travaille sur bois et sur papier très épais. J’ai besoin d’une surface résistante sur laquelle peindre, frotter, gratter. Mon processus repose sur l’accumulation et la transparence : chaque couche reste visible et contribue à enrichir la profondeur de l’œuvre. Il faut savoir trouver le bon équilibre et s’arrêter avant d’en trop “dire”. Pour paraphraser Ludwig Mies van der Rohe: “Less is more”.
Je travaille sur des formats variés, du très grand au plus intime, selon les sujets explorés. Certaines œuvres trouvent leur force dans la monumentalité, tandis que d’autres s’expriment mieux dans des dimensions réduites, où textures et lumière prennent toute leur importance.
* UN RÊVE
Je travaille actuellement à un projet de résidence artistique au Japon. Mon objectif est de créer un espace où des artistes internationaux pourraient venir s’inspirer et produire des œuvres dans un cadre propice à la création. Situé à Murakami, petite ville thermale à une heure de Niigata, cet espace comprendra des ateliers, des lieux d’exposition et des logements pour les artistes. Ce projet reflète mon envie de partager ce que le Japon m’a apporté et de créer un lieu de dialogue entre cultures. Il est prévu d’accueillir un premier groupe pour l’été 2026.
* LE RÔLE DE L’ART
C’est donner sens et forme à ce qui échappe aux mots.