Lorsqu’il accepta, en 1883, le chantier de la Sagrada Familia, Antoni Gaudi (1852-1926) savait bien que ce « temple expiatoire de la Sainte Famille » ne serait jamais terminé de son vivant ni même de celui de ses successeurs. Car il se voyait comme un bâtisseur médiéval dont l’oeuvre doit, au-delà de son existence propre, s’élever jusqu’à Dieu pour célébrer à jamais sa gloire infinie, et ceci quel que soit le temps nécessaire pour la réaliser.
En 2026, soit plus de 140 ans plus tard, les 18 tours enfin terminées de la plus grande basilique du monde s’offriront telles un poème mystique à la contemplation du Père éternel et des millions de croyants, de rêveurs et d’admirateurs dans le monde entier !
C’est à cette forêt minérale et à son génial concepteur que le Musée d’art moderne de Tokyo rend hommage jusqu’au 10 septembre avec l’exposition « Gaudi and The Sagrada Familia » qui, à l’aide de maquettes, moulages, dessins, peintures ou vidéos présente en 4 chapitres Gaudi et son temps, ses sources d’inspiration, l’histoire de la Sagrada Familia et l’héritage de l’architecte barcelonais.
On peut y admirer aussi bien des groupes sculptés baroques et foisonnants de la façade de la Nativité que ceux, plus angulaires, de la façade de la Passion par le sculpteur contemporain Josep M. Subirachs, des pièces de mobilier et des objets liturgiques. Des vidéos montrent aussi l’extraordinaire dispositif de cordelettes au bout desquelles pendaient de petits sacs de sable ou de plomb de poids différents que Gaudi avait imaginé pour comprendre les pressions auxquelles les piliers des bâtiments sont soumis. Quand on retourne l’image de cette maquette, on obtient le squelette de ses édifices !
Par son mysticisme, sa propension au rêve, son audace et l’amour inconditionnel de la nature de celui qui disait « Le grand livre, toujours ouvert et qu’il faut s’efforcer de lire, c’est celui de la Nature », Gaudi a inspiré des générations d’architectes et d’artistes jusqu’à notre époque, aux quatre coins du monde dont bien sûr le Japon et ce n’est pas le moindre mérite de l’exposition que de donner la parole à certains d’entre eux, dont Sasaki Mutsuro (créateur du musée de Teshima et du musée du 21e siècle de Kanazawa) ou l’architecte Torii Tokutoshi, devenu l’un des meilleurs spécialistes mondiaux de Gaudi. Avec Gaudi plus que tout autre, l’art ne connaît décidément pas de frontières…