Aux côtés de ses amies écrivaines et artistes, elle communiquait avec les esprits puis, saisissant pinceaux et crayons, dessinait ou peignait sur de vastes toiles le monde invisible et spirituel qu’ils lui indiquaient à l’aide de courbes, formes géométriques ou organiques de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, donnant à voir un univers cosmique et abstrait, au tout début du 20e siècle, avant même l’invention de l’abstraction par Kandinsky et Piet Mondrian ! Mais le public mit près d’un siècle à le savoir car elle était… une femme.
Née en Suède dans une riche famille d’officiers de marine, ayant baigné depuis sa plus tendre enfance dans un milieu cultivé et amoureux des sciences (astronomie, navigation, mathématiques…), Hilma af Klint (1862-1944) était attirée par l’invisible et par tous les moyens susceptibles d’y accéder : les nouvelles sciences comme l’électricité ou la radiographie mais aussi les disciplines ésotériques de son temps comme le spiritisme où l’on faisait tourner les tables, la théosophie qui visait à l’illumination intérieure à travers la contemplation du divin et l’anthroposophie inventée par Rudolf Steiner (1861-1925), lequel ambitionnait de connaître l’âme humaine et avait établi une sorte de symbolique des couleurs. Symbolique adoptée par Hilma durant sa dernière période.
Mais Steiner lui-même ne reconnut pas l’originalité et la nouveauté de son travail d’artiste si bien qu’avant sa mort à l’âge de 81 ans, Hilma avait recommandé à son neveu et légataire universel d’attendre encore 20 ans avant de le dévoiler au public…
C’est le parcours spirituel, artistique et de vie de cette artiste singulière que retrace l’exposition du musée d’art moderne de Tokyo sous le titre « Hilma af Klint : The Beyond(l’au-delà) ». Cent quarante oeuvres (huiles, tempera sur papier montées sur toile, dessins, carnets de croquis ou de notes) venues au Japon pour la première fois et exposées en cinq sections selon un ordre chronologique nous plongent dans l’univers onirique et ésotérique de cette artiste assoiffée d’absolu qui, après une formation parfaitement classique à l’académie royale des beaux-arts de Stockholm, s’était engagée avec courage et déterminatoin sur une voie jamais empruntée à la poursuite de son propre Graal.






(dans cette série, Hilma part de la forme du cygne, la rend abstraite puis de nouveau figurative)





