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Kainosho Tadaoto à la Tokyo Station Gallery jusqu’au 27 août

Avec leur regard trouble et leur sourire énigmatique, les femmes de Kainosho Tadaoto n’ont rien des délicates geishas habituellement dépeintes par les artistes de bijinga (peinture de belles femmes). Qu’elles soient prostituées, actrices, danseuses, servantes ou simplement mères, elles ne sont ni mièvres ni éthérées. Ce sont des caractères, des femmes fortes et volontaires, souvent inquiétantes mais bien vivantes et au corps vigoureux. 

Pourtant, elles n’évoluent pas dans le monde réel mais, somptueusement vêtues et maquillées, dans celui des spectacles ou des paradis allégoriques, telle l’ondulante héroïne de « Haru » (« Printemps » 1929) qui, vêtue d’un kimono chamarré sourit, nonchalamment allongée sur un parterre de fleurs et d’oiseaux. De la main gauche, elle tient négligemment le bâtonnet qui vient de lui servir à tourner le vin de prune contenu dans le verre presque vide posé au sol, sur la manche de son kimono. Légèrement ivre, songe-t-elle à la saison des fleurs et des conquêtes? Ou encore la danseuse déjantée d’ »Hallucination » (vers 1920) qui fait tournoyer son kimono orange et rouge, entraînant le spectateur dans sa transe incandescente… 

Né en 1894, à proximité du palais impérial de Kyoto comme 3e fils d’une riche et ancienne famille de guerriers, Tadaoto fréquente le théâtre (Noh ou Kabuki) depuis son plus jeune âge et se passionne pour les acteurs, notamment les « onnagata » qui interprètent les rôles féminins. Plus tard, il se produira lui aussi maquillé et costumé, sur scène ou devant l’objectif d’un appareil photo, entouré de fleurs et d’étoffes chatoyantes qu’il sait si bien peindre. Après des études d’art dans sa ville natale et malgré de brillants débuts en peinture, notamment en tant que membre de l’Association pour la création d’une peinture nationale (Kokuga Sosaku Kyokai), nouvellement créée, il abandonne ses pinceaux au début des années 40 pour se consacrer à la création de costumes pour les plus grands noms de l’âge d’or du cinéma japonais.

Le grand mérite de la présente exposition, qui se tient jusqu’au 27 août à la Tokyo Station Gallery, est de montrer ces deux aspects de sa carrière, avec la part belle à la seconde, méconnue. On apprend ainsi que Tadaoto a travaillé pour Mizoguchi Kenji (« Les contes de la lune vague après la pluie ») ou encore Ito Daisuke et Matsuda Sadagatsu, célèbres dans le domaine du jidaigeki (films historiques). 

L’exposition se clôt sur les 2 chefs-d’oeuvre de Tadaoto : « Seven Beauties », commencé en 1915 et terminé en 1976, 2 ans avant sa mort, et « Mount of Beats » (1915), oeuvre inachevée et grandiose où, dans la veine des 2 maîtres qu’il admirait le plus, Léonard de Vinci et Michel Ange, Tadaoto représente en noir et blanc sur 8 panneaux de paravent les corps nus et désespérés d’une vingtaine de femmes promises à la mort. 

Il était temps, avec cette 2e rétrospective, de rendre hommage à ce peintre si singulier et talentueux. Espérons que son heure viendra bientôt en France aussi… https://kainosho.exhn.jp

Affiche de l’exposition avec « Haru » (« Printemps », 1929)
« Hallucination » (vers 1920)
« Woman of Shimabara » (Woman of Kyoto), (1920)
Toujours l’étrange sourire inspiré de la Joconde
« Hillock of Beats » (1915-1976), inspiré du tragique épisode où Hideyoshi Toyotomi fit exécuter les épouses et leurs suivantes de son neveu et rival Hidetsugu. Cette oeuvre fut découverte en 1987 dans le garage de la soeur cadette de Tadaoto !