1942. Keiichi Tanaami a 6 ans et ses parents, grossistes en tissus à Tokyo, lui font faire un dernier tour de quartier, en lui enjoignant d’en noter chaque détail dans sa mémoire avant d’aller se réfugier dans la préfecture de Niigata, au nord du pays. À son retour, tout ce qui constituait le théâtre d’une enfance plutôt heureuse et privilégiée, n’est plus que ruines fumantes. Tokyo a été entièrement détruite dans les bombardements.
Pour être foisonnante et variée, l’oeuvre de Keiichi Tanaami (1936-2024), graphiste, illustrateur, vidéaste, peintre et plasticien, n’en tourne pas moins autour d’un thème unique et obsédant, celui du souvenir, et c’est l’angle choisi par le Centre national des arts de Tokyo pour la grande rétrospective rendant hommage à celui dont la carrière s’étend sur une soixantaine d’années et qui est considéré comme l’un des principaux chefs de file de l’art pop au Japon.
Le parcours en 11 sections nous fait ainsi voyager dans l’univers fantasmagorique de Tanaami où s’entrechoquent bombardiers et feux d’artifice, dieux et démons, squelettes et femmes pulpeuses, animaux réels ou oniriques, symboles folkloriques ou religieux du monde entier ou nés de son imagination, mascottes, personnages et citations diverses issues des arts asiatiques ou occidentaux, antiques ou contemporains qui composent, dans un étourdissant kaléidoscope de couleurs psychédéliques, l’exubérant univers de cet artiste passionné par son époque et par toutes les recherches de ses contemporains, que ce soit sur les plans technique ou plastique.
La carrière de Tanaami est à l’image de son oeuvre, foisonnante et pleine de rebondissements : diplômé de l’université d’art de Musashino, il se tourne très tôt vers le design et la publicité, remportant le prix du jury de la JAAC (Japanese Advertising Artist Club) en 1958, tout en commençant à exposer dans les galeries et musées japonais. En 1967, lors d’un voyage à New York, il découvre Andy Wharol qui aura une véritable influence sur sa carrière, l’amenant à produire en série tout en affirmant que « chaque reproduction constitue une pièce unique » !
Dans les années 70, il se lance dans l’animation et, en 1975, devient directeur artistique de Playboy Japon. Tout au long de sa carrière, il collaborera avec des marques de mode (Mary Quant, adidas, JUNYA WATANABE, Ground Y) ou des musiciens (GENERATIONS from EXILE TRIBE, Aki Yashiro, RADWIMPS), ne cessant de se défier et de nous étonner.
Sa dernière surprise, il nous la réserva, hélas, pour la présente exposition en tirant brutalement sa révérence à l’âge de 88 ans le 9 août dernier, emporté par une maladie foudroyante au lendemain de l’inauguration de cette rétrospective qui vient clore une carrière époustouflante.
Site de l’exposition :
https://www.nact.jp/…/2024/keiichitanaami/index.html
Site de l’artiste :