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Kiyoshi Yamashita au musée Sompo jusqu’au 10 septembre 2023

On raconte que, la veille de sa mort, Kiyoshi Yamashita (1922-1971) prononça ces paroles: « Quel feu d’artifice vais-je donc aller voir demain » ? Le lendemain 10 juillet, il s’effondre à l’âge de 49 ans, victime d’une hémorragie cérébrale.  
Est-ce donc un hasard si l’oeuvre la plus célèbre de Kiyoshi est un feu d’artifice (« Nagaoka no Hanabi », 1950) et sa vie trop brève ne ressemble-t-elle pas, elle aussi, au « hanabi » japonais, fugace et spectaculaire « feu de fleurs » ?

Né à Asakusa, quartier populaire et pittoresque de Tokyo, dans une famille modeste, Kiyoshi a une enfance difficile: un trouble abdominal le laisse partiellement handicapé à l’âge de 3 ans, il perd son père très jeune, subit les violences d’un beau-père alcoolique puis, après la séparation de sa mère, se retrouve placé en établissement pour « enfants retardés » à Chiba, au nord de Tokyo. C’est là qu’il découvre et se passionne bientôt pour le chigire-e, collages réalisés avec de petits bouts de papier déchirés à la main. Ses premières oeuvres – insectes, scènes de la vie quotidienne du Japon des années 30 – font l’émerveillement de ses professeurs.

Mais bientôt c’est la guerre et le jeune Kiyoshi ressent l’appel du grand large: fuir les contraintes de la vie en institution, la conscription et l’armée qu’il exècre. Muni de ses seuls yukata et sac à dos, il entame alors une décennie d’errance à travers tout le Japon, observant attentivement les campagnes et la vie locale, noircissant de notes les pages de son Journal. 

Ce n’est qu’à son retour à Chiba qu’il réalise les collages des scènes vues, entièrement de mémoire, stupéfiant son entourage et ses médecins. Une exposition organisée en 1956 par le grand magasin Daimaru à Tokyo puis dans tout le Japon le rend célèbre ; en 1961, il accomplit un grand voyage en Europe, traversant 12 pays (dont la France, la Suisse, le Royaume-Uni, l’Italie) en 40 jours. Il n’est alors plus question d’errance car tout a été minutieusement organisé par son mentor, le psychiatre Ryuzaburo Shikiba. Quant aux collages, il en fait déjà beaucoup moins, et des problèmes de vue grandissants le contraindront à se tourner plutôt vers l’encre, l’aquarelle, la peinture à l’huile et même la céramique. Ses dernières oeuvres ayant pour thème les 53 stations du Tokaido, chères aux anciens maîtres de l’ukiyo-e, sont essentiellement réalisées à l’encre et ont été par la suite transcrites en estampes.

L’an dernier, Kiyoshi aurait eu 100 ans et c’est pour lui rendre hommage que le musée Sompo de Tokyo organise en ses murs une rétrospective qui, à l’aide de 190 oeuvres, objets de la vie quotidienne et documents divers, permet de suivre son parcours, de ses débuts aux dernières années, transportant le visiteur dans un Japon révolu mais en même temps rafraîchi par un regard plein de candeur : « Quand il y a des feux d’artifices », peut-on ainsi lire dans le journal de Kiyoshi, « on voit d’abord une boule de feu monter très haut dans le ciel et se transformer en bouquet de fleurs quand elle explose. Comme il s’agit de fleurs de feu, on appelle ce dispositif « fleurs de feu » (« hanabi »), c’est beau et c’est intéressant à observer « . Tout comme la vie et l’œuvre de Kiyoshi ! 

https://www.sompo-museum.org/en/exhibitions/2022/yamashitakiyoshi/
La vie de Kiyoshi a fait l’objet d’un film et d’un feuilleton télévisé intitulés « Journal d’errance du général nu » (裸の大将放浪記,83 épisodes diffusés de 1980 à 1997 ; le film est sorti en 1981)

Affiche de l’exposition avec « Feu d’artifice à Nagaoka » (« Nagaoka no Hanabi », collage chigiri-e, 1950
Sonikon Rocket, collage chigiri-e, 1959 
La Tour Eiffel, Paris, aquarelle, 1961
« Boke », huile, 1961 (oeuvre inspirée des « Fleurs d’amandier » de Van Gogh)
Kiyoshi en yukata pendant ses années d’errance