Posés sur des étagères, des visages stylisés mais bien vivants, reflètent le talent original de Chana Orloff (1888-1968), artiste-sculptrice peu connue aujourd’hui du grand public. Et pourtant à force de travail et de ténacité, cette jeune veuve qui ne remaria jamais, réussit à vivre de son art dans ce Paris effervescent du début du XXème siècle.
Marquée par l’art déco et aussi par ses fréquentations des milieux artistiques de Montparnasse où elle rencontre Chaïm Soutine, Ossip Zadkine, Amadeo Modigliani ou Max Jacob, elle trouve sa voie dans la sculpture alors qu’elle se destinait à la couture. Elle utilise différents matériaux (argile, plâtre patiné, ciment, bronze) mais aussi le bois qu’elle taille avec brio et lisse magnifiquement. En plus de ses portraits, parfois humoristiques comme celui du Peintre Widhoff (1924) qu’elle rencontre à l’académie Vassilieff, elle réalise des Maternités, des femmes enceintes et une Famille où un couple et leur enfant s’étreignent avec force. Cette œuvre mis en regard d’une Sainte Famille d’Ossip Zadkine (1888-1967), son contemporain, juif originaire de Biélorussie, souligne leurs différences : d’un côté père, mère, enfant solidaires et, de l’autre, une représentation plus « mystique » et tendre dans l’expression.
Née dans une famille juive de l’actuelle Ukraine, elle émigre en Palestine en 1906, à la suite des pogroms. En 1908, elle travaille comme couturière à Tel Aviv et suit des cours de russe, d’hébreu et des études bibliques. Puis elle e rend à Paris pour obtenir un diplôme de couturière. Remarquant ses qualités de dessinatrice, un enseignant l’encourage à fréquenter l’Ecole des arts décoratifs où elle est admise en 1912. Elle expose au Salon d’Automne et au Salon des Indépendants. En 1916, elle réalise sa première exposition personnelle à la Galerie Bernheim-Jeune. Elle épouse le poète polonais Ary Justman qui décède en 1919 de la grippe espagnole, un an après la naissance de leur fils. En 1926, elle obtient la nationalité française et elle fait construire par Auguste Perret une maison-atelier dans la cité des artistes de la Villa Seurat. En 1942, elle échappe avec son fils de justesse à la rafle du Vel d’Hiv en se réfugiant à Grenoble puis en Suisse. Elle revient en France en 1945, découvrant son atelier pillé et saccagé. Elle meurt à 80 ans à Tel Aviv alors qu’elle préparait une grande rétrospective de son travail.
Une œuvre originale, marquée par son temps mais qui resta toujours figurative !
https://www.zadkine.paris.fr/fr/exposition/chana-orloff-sculpter-lepoque