Le Petit Journal

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« Manuscrits de la collection Naïto » au musée d’art occidental de Ueno, Tokyo, jusqu’au 25 août 2024

Contempler un manuscrit du Moyen-Âge, c’est se rendre visuellement sur une autre planète où tout fonctionnait différemment d’à notre époque. Avant l’imprimerie, inventée vers 1450, les moines et artisans copistes traçaient à la plume des textes latins sur des peaux d’animal (le parchemin) que les enlumineurs ornaient ensuite de bandeaux, frises, entrelacs et autres fioritures de couleurs vives se propageant dans les marges et les interlignes. En l’absence de ponctuation, le début des phrases et des paragraphes était indiqué par des lettrines, grandes initiales de couleur, simplement filigranées ou agrémentées de plantes, fleurs, animaux ou personnages parfois sur fond d’or venant mettre le texte en lumière, d’où le nom d’ « enluminure » (du latin « illuminare », « mettre en lumière ») donné à ces oeuvres.

C’est à un voyage dans le temps que nous convie l’exposition du musée d’art occidental de Ueno, dans ce Moyen-Âge si religieux où la fonction première du livre consistait à transmettre la parole de Dieu mais où la fantaisie côtoyait volontiers le sacré, les enlumineurs n’hésitant pas à peupler leurs pages de « drôleries »: chasses inversées (lièvres poursuivant chiens et chasseurs), dragons chapeautés, créatures hybrides et loufoques… comme si l’enlumineur avait voulu divertir agréablement son lecteur ou, au contraire, le soumettre à la tentation, tel le démon avec Saint-Antoine !

L’exposition s’ouvre sur une page de psautier du 13e siècle acquise chez un bouquiniste parisien en 1985 par Hiroshi Naito, toxicologue de son état. C’est un véritable coup de foudre qui le décide à se constituer une collection de manuscrits enluminés dont il fera don trente années plus tard au musée d’art occidental de Ueno, constatant que les musées japonais sont pauvres en oeuvres d’art médiéval européen.

C’est la quasi totalité de cette collection, composée de 180 feuillets exécutés entre les 13e et 16e siècles en Europe occidentale (Angleterre, France, Allemagne, Pays-Bas, Italie, Espagne), qui est présentée à Ueno. La plupart d’entre eux proviennent de codex essentiellement religieux, ce dont rend compte le parcours de l’exposition en 8 sections : bibles, psautiers, bréviaires, missels, livres d’heures, calendriers, antiphonaires (livres de chants), livres juratoires (sur lesquels on prêtait serment), etc. Sanctifiant !

https://www.nmwa.go.jp/en/exhibitions/2024manuscript.html

Affiche de l’exposition
Feuillet de psautier avec personnage assis dans l’initiale « D » et drôleries dans la marge à droite, vers 1250-1260, probablement de Ghent, aux Pays-Bas méridionaux

Feuillet d’un livre d’heures représentant l’Annonciation par le maître de Luçon (vers 1405-1410)

Feuillet du Décret de Gratien avec un pèlerin dénonçant à un évêque l’adultère de son épouse pendant son absence (vers 1320) dans le Sud de la France.
Feuillet de psautier liturgique avec lettre « B » ornée de David jouant de la musique (en bas) et de Dieu bénissant (en haut) par Don Simone Camaldolese (vers 1380)