Il est des expositions dont on ressort avec un regard changé sur l’artiste. Intitulée « Marie Laurencin : An Eye for Her Time (un regard sur son temps) », la rétrospective du musée Artizon pourrait en faire partie. Aux côtés des si reconnaissables portraits aux tons pastel de belles alanguies à la carnation très blanche et aux insondables prunelles noires de Marie Laurencin (1883-1956), on découvre plusieurs toiles montrant ses tâtonnements jusqu’à la formation de son propre style, peu avant la Première Guerre mondiale.
À l’entrée de l’exposition, on est d’abord surpris par ses autoportraits de 1904 et 1905, qui témoignent de sa formation à l’Académie Humbert, puis par celui de 1908, réalisé sous l’influence de ses amis cubistes, Braque et Picasso qu’elle fréquente assidûment dans leur fief du bateau-lavoir. Ses « Jeunes femmes » de 1911, peintes dans des tons ocre et verdâtres, a des accents cézanniens, tandis que « Au Cirque » (1913), à la composition timidement cubiste, laisse apparaître cette palette caractéristique en camaïeux de rose, bleu et gris pâle qui deviendra sa marque de fabrique.
L’exposition montre également ses talents d’aquarelliste – avec ses 12 délicates « Camille » exécutées en 1936 pour illustrer la version anglaise de « La Dame aux Camélias » d’Alexandre Dumas fils – mais aussi d’illustratrice et de poète. Car Laurencin illustra pas moins de 80 livres, appréciait la poésie et la compagnie des poètes, à commencer par celle de Guillaume Apollinaire dont elle fut la muse de 1907 à 1912. Tout en fréquentant les poètes, elle s’essayait volontiers à cet art et publia en 1926 le recueil « Petit Bestiaire » illustré par ses soins, présenté lui aussi à la rétrospective du musée Artizon.
L’exposition relate encore son histoire d’amour avec le Japon, qui commença dès 1914 lorsque le Hibiya Museum de Tokyo présenta l’une de ses gravures. Suivit en 1925 le tableau « Deux jeunes filles » (1923), exposé au grand magasin Mitsukoshi de Nihonbashi (Tokyo), grâce aux efforts du poète, écrivain, galériste et amoureux du Japon, Charles Vildrac…
Quelque peu boudée en France, Marie Laurencin compte encore de fervents amateurs au Japon qui possédait jusqu’en 2011 le seul musée au monde qui lui soit consacré, créé en 1983 par Masahiro Takano pour célébrer le 100e anniversaire de sa naissance et riche de pas moins de 600 oeuvres. Le musée avait rouvert au sein de l’hôtel New Otani en 2017 mais il a dû fermer à nouveau en raison du covid.
Espérons que l’actuelle exposition ravivera l’intérêt autour de cette artiste témoin de la naissance de l’art moderne au début du 20e siècle et qui n’était certes pas qu’une « fauvette », comme se plaisait à le dire son contemporain Matisse.
https://www.artizon.museum/exhibit…/laurencin/en/overview/
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