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Rencontre avec Yasumori Umeda, 93 ans, potier au Mont-Tsukuba

Le printemps frissonne dans la vallée de Numata baignée du suave parfum des mille pruniers qui viennent de commencer leur floraison à une centaine de km de Tokyo. Des nuages vaporeux de rose tendre à rose soutenu en passant par le jaune de cire se forment au-dessus des rameaux, entre les éboulis granitiques du mont Tsukuba ou « Tsukuba-san » qui, au Moyen-Âge, marquait la frontière entre le monde « civilisé » et les « barbares du Nord ».

C’est dans ce lieu aussi historique qu’enchanteur que les parents du potier Umeda Yasumori vinrent s’établir au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, encouragés par le programme de reconstruction du pays du gouvernement japonais. Sa mère y fit construire à flanc de colline l’un des derniers « fours montants » (nobori-gama) au feu de bois du Japon, constitué de 3 chambres successives en briques voûtées en coupole. Elle planta aussi des pruniers – le nom de famille Umeda est composé des caractères « ume », prunier, et « da » champ en japonais – sur un vaste terrain qu’elle légua plus tard à la préfecture d’Ibaragi.

Aujourd’hui, le site dédié à la poterie s’étend sur un terrain d’une superficie de 8 hectares et comprend, outre le nobori-gama réservé à la vitrification (2e cuisson pour fixer les émaux), un four à gaz pour le biscuitage (1ère cuisson sans couverte ni glaçure), un autre four à gaz pour les cuissons rapides, un atelier d’émaillage, une salle de classe et une galerie où Madame Umeda expose et vend la production de son mari et celle de la dizaine d’élèves qui s’initient à cet art exigeant dans le but, pour certains, de perpétuer cet héritage une fois à la retraite.

Pourtant, rien ne prédestinait M. Umeda à devenir potier. Né à Kyoto en 1932, il fit d’abord carrière au sein d’une prestigieuse agence de publicité japonaise de Tokyo après de tardives études universitaires. Ce n’est qu’à la cinquantaine qu’il commença à s’adonner à la poterie parce qu’il trouvait cela « amusant » et aimait contempler les belles céramiques.

À 61 ans, il quitta son entreprise et en fit son nouveau métier, créant un type de poterie dénommé Tsukubane-yaki qui se caractérise par sa simplicité, son aspect pratique ainsi que, pour certaines pièces, par les rugosités créées à la surface de l’objet par les projections de cendres pendant la cuisson au feu de bois. Très contraignante, cette dernière dure environ 4 jours pendant lesquels le feu doit être nourri jour et nuit en surveillant attentivement la température. Chaque fournée consomme environ 5 tonnes de bois sec prélevé dans les forêts environnantes ou dans les vieilles maisons en démolition et donne lieu à la production de 300 à 400 pièces.

À présent âgé de 93 ans, M. Umeda estime avoir accompli l’année dernière sa toute dernière fournée. La poterie requiert en effet force physique, résistance et patience : il s’agit d’abord de pétrir l’argile pour la rendre malléable et pour en extraire toutes les bulles d’air. On peut y ajouter de l’eau (pour humidifier) ou de la poudre de grès (pour épaissir). Viennent ensuite le tournage, le premier séchage, le découpage lors duquel la pièce prend sa forme finale et le dernier séchage. On procède ensuite au premier ponçage, au biscuitage (première cuisson), au deuxième ponçage pour ôter toute aspérité du fond ou des bords, à l’émaillage (application de la couverte ou de la glaçure) et enfin à la deuxième cuisson, au feu de bois ici !

Même s’il a reçu plusieurs distinctions et vendu certaines de ses pièces aux grands de ce monde, M. Umeda ne se considère pas comme un « artiste » : « Un véritable artiste doit créer une pièce originale et unique, ce qui peut lui prendre des mois, voire des années. Mon objectif est de façonner des objets jolis mais surtout utiles dans la vie quotidienne et à des prix accessibles à tous ». Au Japon, la modestie fait toujours loi.

La galerie est ouverte le samedi et le dimanche de 10h à 16h, tous les jours pendant la saison des pruniers.

Accès (en japonais) : https://ibanavi.net/shop/9864/

Un grand merci à Jacques Labello pour l’organisation de la rencontre !

Le champ de pruniers au pied de Tsukuba-san
La saison des pruniers dure de mi février à mi-mars
Une oeuvre emblématique de M. Umeda, l’assiette en forme de Mont Tsukuba.
Pour M. Umeda, les « défauts » d’une oeuvre font aussi sa valeur. Le vase présenté ici s’est cassé à la cuisson et deux tasses sont venus se coller sur ses parois !
Vase
Vase et branche de camélia. Au premier plan branche de prunier couverte de lichen.
Coloris patiné typique d’une céramique cuite au feu de bois
Rugosité créée à la surface du vase par les projections de cendres durant la cuisson au feu de bois
Grand plat vitrifié
Vue générale de la galerie
Monsieur et Madame Umeda
Monsieur Umeda et un élève dans son école
Vue extérieure du four au feu de bois nobori-gama
Vue intérieure du four au feu de bois nobori-gama
Vue intérieure du second four à bois
Les témoins, utilisés pour vérifier la température pendant la cuisson
L’atelier d’émaillage

Les pruniers en pleine floraison