La femme est l’avenir de l’homme : la formule de Louis Aragon se vérifie également dans l’art, avec ces couples fameux d’artistes où l’un(e) nourrit le travail de l’autre, mais aussi où les deux parviennent à conjuguer leurs talents pour créer à quatre mains des oeuvres où styles et idées fusionnent dans la plus mystérieuse et puissante des alchimies.

C’est l’histoire émouvante et féconde de Sophie Taeuber-Arp (1889-1943) et de Jean Arp (1886-1955) qui est mise à l’honneur au musée Artizon avec près de 100 oeuvres : peintures, dessins, textiles mais aussi meubles et sculptures, principalement en provenance de deux des trois fondations dédiées au couple en Europe, la Stiftung Arp e.V. à Berlin et la fondation Arp à Clamart, aménagée dans l’atelier imaginé par Sophie et où les deux artistes vécurent et inventèrent, pendant la première moitié du 20e siècle un art d’avant-garde, aux côtés de leurs amis dadaïstes, abstraits, cubistes, surréalistes, constructivistes et autres.

Née à Davos en Suisse, Sophie y avait étudié les arts appliqués avant de rencontrer Jean en 1915 lors d’une exposition collective à Zurich où elle montrait ses créations brodées. Né à Strasbourg alors territoire allemand, Jean avait pour sa part suivi une formation artistique à Weimar puis Paris (académie Julian), formé à Lucerne le groupe Alliance moderne et développé un goût pour l’abstraction tout en s’essayant à la poésie et à différentes techniques (peinture, broderie, collage, sculpture) car, pour lui, il ne devait exister ni frontière ni hiérarchie entre les différentes formes d’arts.

Mariés en 1922, Sophie et Jean obtinrent la nationalité française en 1926, année de leur installation à Strasbourg – désormais française elle aussi – où les riches frères Horn leur confièrent, ainsi qu’au peintre et architecte néerlandais Theo van Doesberg (1883-1931), l’aménagement intérieur du complexe de loisirs de l’Aubette dont les gains leur permirent d’acquérir un terrain à Clamart pour y construire leur maison-atelier.

L’exposition retrace l’histoire de ces réalisations, photos et documents à l’appui et présente aussi de nombreuses oeuvres abstraites ou plutôt « concrètes » réalisées en solo, à quatre mains (série des Duos) ou même à huit, avec leurs amis Alberto Magnelli et Sonia Delaunay-Terk.

Après la mort de Sophie due à une intoxication au gaz, Jean continua de créer à travers elle et pour elle, réalisant un catalogue raisonné de son oeuvre peint, coulant en bronze certaines de ses oeuvres ou s’en inspirant dans ses propres sculptures.

Car pour Jean, l’art procédait de la nature et n’appartenait à personne : « Nous ne voulons pas copier la nature, nous ne voulons pas reproduire, nous voulons produire comme la plante donne un fruit (…) Les oeuvres ne doivent pas être signées par leurs créateurs, ces peintures, ces sculptures, ces objets doivent rester anonymes dans le grand atelier de la nature comme les nuages, les montagnes, les mers, les animaux et les humains. Ceux-ci doivent retourner à la nature et les artistes travailler en communauté comme au Moyen Âge  » écrivait-il dans On My Way, Poetry and Essay (1912-1947).

Créer en symbiose avec la nature était peut-être aussi sa manière à lui de rejoindre avant l’heure sa chère disparue quelque part dans l’immensité cosmique ?

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Exposition du musée Artizon:

https://www.artizon.museum/exhibition_sp/sophieandjean/en/

Fondation Arp à Clamart :

http://www.fondationarp.org/fondation.html

Fondation Arp à Berlin :

foundation mission