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Tanaka Isson, Light & Soul au Musée métropolitain de Tokyo jusqu’au 1er décembre 2024

Pour Tanaka Isson (1908-1977), l’art était une nourriture. D’ailleurs, il se privait souvent de manger pour acheter couleurs, papier et rouleaux de soie où, pour le ravissement absolu de nos yeux, il peignait les merveilles de la nature dans de somptueuses et complexes compositions aux couleurs intenses qui rendaient hommage à toute la Création, plantes, animaux, montagnes, campagnes, rivières et mers des lieux qu’il affectionnait, notamment la petite île tropicale d’Amami, à l’extrême Sud du Japon où il vécut en ermite les 17 dernières années de sa vie.

Sous notre regard ébloui se déploient ainsi dans les dernières salles de la grande exposition rétrospective du Musée métropolitain de Tokyo, les branches chargées de fruits des sagoutiers et papayers se détachant dans les dernières lueurs du couchant, les feuillages rassérénants des fougères arborescentes, pandanus ou hévéas, les fleurs charnues et odorantes du crinum asiaticum ou du clérodendron. On découvre dans l’enchevêtrement inquiétant des lianes ou dans la luxuriance d’un feuillage, un rossignol Komadori au plumage roux doré, un martin-chasseur violet, un hibou moyen-duc clignant de l’oeil, mais aussi des lézards, des papillons ou des poissons multicolores qu’Isson empruntait au poissonnier du coin afin de les croquer de son pinceau, faute de pouvoir les acheter pour s’en sustenter !

C’est dans la misère la plus noire, alors même que son pays connaissait la plus grande période de prospérité de son histoire, esseulé dans sa pauvre cabane à la périphérie du petit village de Nazé, à Amami, que ce grand amoureux de la nature et de la peinture mourut subitement d’une crise cardiaque, en faisant cuire sa soupe, un soir de 1977. Il avait 69 ans.

Né à Tochigi, à une centaine de km au nord de Tokyo, comme fils aîné d’une fratrie de 6 enfants, Isson avait appris auprès de son père sculpteur les rudiments de la calligraphie et de la peinture, genres dans lesquels il excella précocemment, remportant concours et récompenses dès l’âge de 7-8 ans, dans des compositions qui étonnent encore aujourd’hui, aussi bien par l’excellence de leur technique que par la maturité de leur composition.

La première partie de l’exposition montre plusieurs peintures de cette période ainsi que d’autres, inédites car retrouvées très récemment, réalisées quand il avait une vingtaine d’années et qu’il cherchait encore son style après avoir abandonné après 2 mois seulement, pour des raisons demeurées obscures, ses études à l’École des Beaux-Arts de Tokyo à Ueno (actuellement Université des Beaux-Arts).

Il se définissait alors comme un peintre Nanga (peinture lettrée chinoise de l’École du Sud) et ses oeuvres se distinguaient par leurs touches fougueuses et passionnées remplissant une grande partie du support de fleurs foisonnantes ou de branchages entremêlés, tandis que l’autre demeurait presque entièrement vide.

La 2e partie de l’exposition présente les oeuvres réalisées à Chiba (au nord de Tokyo), où l’artiste s’était établi à l’approche de la trentaine avec ses deux soeurs et sa grand-mère, après la disparition de ses parents et de ses frères. Tout en peignant, il se fit fermier, prenant le nom d’Isson (« Un village »), sous lequel nous le connaissons aujourd’hui, réminiscence d’un poème chinois de la dynastie des Song. Cette période de sa vie voit aussi la réception d’un de ses tableaux, « Fleurs blanches » (1947), à une exposition officielle. Ce sera la seule et unique fois qu’une oeuvre de lui sera acceptée et exposée de son vivant. Il vivra de la générosité de quelques mécènes et de petits boulots variés, le dernier dans une modeste teinturerie du village de Nazé.

Près de 50 ans après sa disparition, le Musée métropolitain de Tokyo, inauguré en 1926, lui rend enfin hommage, à deux pas de l’École des Beaux-Arts qu’il avait quittée si brusquement cette même année, et alors même qu’il avait formé le voeu qu’une exposition solo lui soit un jour consacrée dans la capitale japonaise ! Son voeu est aujourd’hui exaucé !

Exposition du Tokyo Metropolitan Museum of Art :

https://www.tobikan.jp/en/exhibition/2024_issontanaka.html

Tanaka Isson Memorial Museum of Art, Amami

https://amamipark.com/isson/

« Bord de mer avec Pandanus » (1969)
« Martin-chasseur violet au bord de la mer au début de l’été » (vers 1962)
« Alocosia Odora et sagoutier » (vers 1973)
« Homards et poissons tropicaux » (1976)
« Fleurs blanches » (1947)
« Un jour serein d’automne » (1958)
« Berce laineuse » (1955)
Portrait de Tanaka Isson peu de temps avant sa mort