Pour peu qu’on s’y intéresse, l’art contemporain permet de saisir en instantané les évolutions de nos sociétés et d’en découvrir nombre d’aspects occultes ou occultés à travers des réalisations variées, tant dans leur contenu que par leurs techniques, selon l’imagination, la personnalité et la culture d’appartenance des artistes.

C’est ce que démontre, sous un titre quelque peu abscons, l’exposition UNIVERSAL / REMOTE qui se tient au Centre national des arts de Tokyo jusqu’au 3 juin, en présentant le travail de 8 artistes de nationalités diverses.

La première partie (« Universal ») explore les faces cachées du monde ultra-numérisé dans lequel nous vivons avec, par exemple :

– une vidéo du Chinois Xu Bing (« Dragonfly Eyes », 2017) racontant une histoire d’amour entre 2 individus ayant pour particularité d’avoir été réalisée sans camera ni cameraman, mais en montant 11 000 heures d’images de vidéosurveillance en libre circulation, récupérées à l’aide d’une vingtaine d’ordinateurs !

– des clichés grands formats de l’Américain Trevor Paglen dévoilant les profondeurs océaniques sillonnées de câbles et les plages tranquilles où ces derniers viennent s’échouer, à l’insu des baigneurs tout proches (« Undersea Cables », « Landing Sites », 2015) ou d’inquiétantes images générées par l’IA (« A War Without Soldiers », 2017) ;

– une installation de l’Allemande Hito Steyerl ou 3 intervenants révèlent tour à tour sur 3 écrans installés sur un podium bleu Balenciaga, les arcanes du monde de la mode où interagissent médias et forces capitalistiques jusqu’à l’apparition de la marque contrefaite Belanciege (« Mission Accomplished : Belanciege », 2019).

La deuxième partie (« Remote ») montre comment l’individu, tout en étant de plus en plus connecté, se retrouve en fait de plus en plus isolé et coupé des réalités tangibles. Les photos d’appartements désaffectés de la Danoise Tina Enghoff prennent un sens tragique lorsqu’on apprend qu’on a retrouvé dans chacun d’eux une personne seule, décédée (« Possible Relatives », 2003-2005).

La très chorégraphique vidéo de la Coréenne Jeamin Cha décrit le minutieux et périlleux travail du poseur de câbles dans une ville coréenne, interrogeant sur les conditions d’emploi et le statut social des ouvriers dans un monde soi-disant dématérialisé (« Chroma-key and Labyrinth », 2013).

Le plasticien américain Evan Roth nous immerge quant à lui dans une salle entièrement tapissée des images contenues dans le cache de son ordinateur depuis la naissance de sa deuxième fille en… 2012 : plus 10 années de vie numérique livrées au voyeurisme du visiteur !

L’artiste, encore et toujours, observateur, explorateur, voire, éveilleur de nos consciences ?…

https://www.nact.jp/english/exhibition_special/2024/universalremote/index.html