Le Petit Journal

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Artistes français et francophones du Japon : Valérie Eguchi, peintre de nihonga (Paris)

  • VOTRE PREMIER CONTACT AVEC L’ART

Vers 10 ans, j’ai commencé à dessiner régulièrement, inspirée par les dessins de ma sœur aînée, que j’admirais profondément. Vers 15 ans, j’ai fait une rencontre marquante avec un artiste. Il travaillait dans une vieille bâtisse isolée à la campagne, où son atelier abritait de grandes toiles représentant des arbres, leurs branches enchevêtrées emprisonnant des sphères.

  • CE QUI FAIT QUE VOUS ÊTES DEVENUE ARTISTE

J’étais peintre en décor spécialisée dans les faux bois/marbres et patines, ainsi que des fresques murales (je faisais des travaux de commandes). Un jour on m’a proposé d’aller faire un atelier bénévolement avec des enfants dans un squat qui était occupé par des familles africaines qui avaient été expulsées de l’église Saint Bernard. Leur beauté et leur vitalité ainsi que celles de leur mère m’avait donné envie de les peindre. J’en ai fait des tableaux à l’huile dans lesquels j’associais parfois des figures ou symboles « protecteurs » qui ont commencé à se vendre.

  • 3 OEUVRES

*« Céramique » est une petite œuvre acrylique avec pour motif une céramique posée sur tissu japonais. Exposée alors dans une maison de retraite, une aide-soignante m’a raconté qu’une femme restait souvent devant ce tableau en souriant. Un jour, elle l’avait même emporté dans sa chambre ! Savoir qu’une de mes œuvres pouvait toucher une personne apparemment emmurée dans sa maladie et lui apporter un peu de réconfort m’avait fortement émue.

Ce moment m’a rappelé pourquoi je peins : si une de mes créations peut toucher quelqu’un, lui apporter un instant de bonheur ou de paix, c’est une raison suffisante pour continuer.

*« L’âne du Caplan »

Le Caplan était un salon de thé-librairie situé près d’une plage familiale dans les côtes d’Armor où ma mère avait sa maison ; nous avions l’habitude d’aller y prendre un chocolat chaud après la pêche aux palourdes dans les rochers. Quand j’ai vu que le propriétaire des lieux avait adopté des ânes, j’ai eu très envie de faire le portrait de l’un d’eux. Son regard établit une connexion silencieuse avec nous que seuls ceux qui ont vécu avec un animal peuvent comprendre.

* « Ume no hana » est le dernier d’une série inspirée d’une carte postale que ma belle-mère japonaise m’avait envoyée, représentant une femme appuyée sur un parapluie. Cette figure récurrente qui évoque à certains la Vierge Marie (sans enfant) est devenue une forme de méditation active pour moi. Peindre le même sujet me fait entrer dans un processus de répétition qui favorise un état de pleine conscience et permet une introspection.

  • VOTRE PARCOURS

À 16 ans, j’ai passé un an à l’école des beaux-arts de Brest où je n’ai pas reçu l’enseignement auquel je m’attendais. Puis, j’ai fait un stage de peinture décorative à l’IPEDEC à Pantin dans lequel j’ai appris les techniques de glacis à l’huile et à la bière avec des pigments afin de réaliser des faux bois, faux marbres et patines. Après avoir travaillé un an chez un décorateur qui, outre les chantiers, me faisait faire des copies de tableaux avec les techniques en glacis, j’ai pratiqué ensuite ce métier à mon compte pendant une vingtaine d’années.

J’ai découvert le nihonga lors d’une exposition d’Uemura Shoko et Atsushi (peintres père et fils) à l’espace Mitsukoshi Etoile où j’ai été impressionnée par un paon blanc. Le choc de cette rencontre esthétique m’a poussée à chercher un enseignant de nihonga que j’ai trouvé après quelques années de recherche, en la personne de Yiching Chen, artiste d’origine taïwanaise. Elle a rejoint mon association Pigments et Arts du Monde que je venais de créer avec mon mari réalisateur et producteur.

J’ai ainsi pu non seulement bénéficier de ses cours, mais aussi l’assister dans son enseignement. J’ai ensuite voyagé au Japon où j’ai rencontré plusieurs artistes nihonga dont Takeuchi Koichi, à Kyoto et Tomoki Moriyama à Okayama ainsi que Ooba Shigeyuki à Mishima, rencontres qui furent marquantes et inspirantes.

  • VOUS ET LE JAPON

Cherchant à me rapprocher de la culture de mon mari, qui était souvent absent, j’ai commencé à m’intéresser à la peinture japonaise. À l’époque, on pouvait en voir à Paris, notamment à l’Espace Mitsukoshi Etoile, qui organisait des expositions d’art et artisanat traditionnels avec des artistes parfois considérés comme des trésors vivants (Ningen Kokuho). Ce fut le début d’une fascination profonde pour cette esthétique et cette culture.

  • VOS SOURCES D’INSPIRATION

La nature, des détails, une atmosphère, la répétition d’un motif(figure) qui est comme une méditation.

  • VOTRE TECHNIQUE

Ma technique est celle du nihonga, la peinture traditionnelle japonaise. J’utilise des

pigments mélangés à de la colle animale, appliqués sur du washi (papier japonais fait de fibres longues de mûrier ou de chanvre) fixé sur bois, avec l’eau comme véhicule.

J’emploie des pigments japonais et occidentaux, qu’ils soient naturels ou synthétiques, à base de minéraux, de terres, ou encore de poudre de coquillage. Cette peinture se distingue par sa sensualité, offrant une expérience tactile où la matière des pigments minéraux se ressent pleinement.

Ce que j’apprécie particulièrement dans le nihonga, c’est l’alternance entre maîtrise et lâcher-prise, notamment à travers les procédés de « flouter » et « préciser ». Certains matériaux, comme le sumi (baton d’encre solide fabriqué à base de suie de résineux) et le gofun (fabriqué à base de coquilles d’huîtres, palourdes ou pétoncles), exigent de ne pas chercher à tout contrôler, mais plutôt d’entrer en dialogue avec la matière.

De même, la fragilité des pinceaux en poils d’animaux nécessite une véritable collaboration avec l’outil, chaque forme de pinceau dictant une manière spécifique de travailler.

Peindre avec cette technique, qui requiert de préparer chaque couleur à la main, est une expérience apaisante. Le rythme de travail, nécessairement lent, permet de s’extraire des pressions du quotidien et de suspendre le temps.

Quant aux sujets qui sont majoritairement figuratifs, suivant la proposition du peintre Yokoyama Taikan (1868-1958), j’aspire à « Partir de la forme, puis à la briser pour atteindre finalement des impressions et des émotions plus pures, moins ancrées dans la réalité. « 

  • UN RÊVE FOU

Tout simplement exposer, créer plus et rendre mon travail accessible au public. Également collaborer avec d’autres artistes.

  • LE RÔLE DE L’ART

Le rôle de l’art est pour moi d’éveiller au beau, émouvoir faire vibrer, embellir la vie, se sentir plus vivant et parfois d’apaiser, panser.

Ume no hana (2022) 15/22,5
Pigments sur washi Fixé sur bois
Soleil nocturne (2022) Taille 15/22,5 cm Pigments sur washi Fixé sur bois
L’automne (2021) 25cm/30 cm Pigments sur washi
L’iris rose (2023)
Pigments sur washi Fixé sur bois
20/50 cm
L’âne du Caplan (2008)
59,5/89 cm Pigments sur washi Fixé sur bois
Le dahlia (2022)
14,5/21 cm Pigments sur washi Fixé sur bois
La céramique (2005)
14/34,5 cm
Acrylique sur papier de soie fixé sur bois
Fleurs de pommier (2022)
Pigments minéraux sur washi fixé sur bois
21cm, 29,5cm
Valérie Eguchi