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Louise Bourgeois au musée Mori (Tokyo) jusqu’au 19 janvier 2025

« I have been to hell and back. And let me tell you, it was wonderful. » Le sous-titre de l’exposition (« Je suis allée en enfer et j’en suis revenue. Et laissez-moi vous dire que c’était merveilleux ») résonne comme une adresse au visiteur, à propos du voyage qu’il s’apprête à entreprendre dans la vie traumatique de Louise Bourgeois (1911-2010), dont la première exposition monographique organisée depuis 27 ans au Japon se tient actuellement au musée Mori de Tokyo.

C’est tout d’abord « Maman », l’araignée en bronze de 10 mètres de haut imaginée par l’artiste franco-américaine en 1999-2002 en hommage à sa mère tapissière, qui accueille le voyageur sur le parvis du Roppongi Hills (elle y est installée depuis 2003).

La « montée aux enfers » se poursuit jusqu’au 50e étage de la tour abritant le musée Mori où l’on découvre un parcours riche d’une centaine d’oeuvres – sculptures, installations, peintures, dessins, textiles, vidéos… – dont 80% sont montrées pour la première fois au Japon.

« Je suis mon oeuvre », déclarait Louise Bourgeois, et c’est ainsi qu’elle a cherché, tout au long de sa carrière qui s’étend des années 1930 jusqu’à sa mort en 2010, à l’âge de 98 ans, à exorciser les démons du passé à travers sa création.

Née à Paris en 1911 dans une famille de restaurateurs en tapisseries anciennes, elle subit d’abord l’absence de son père Louis parti à la guerre, puis, à son retour, d’insupportables tensions familiales dues au caractère « despotique et pervers » de ce dernier ainsi qu’à ses infidélités – il prendra pour maîtresse la gouvernante anglaise de ses enfants. Sa mère Joséphine ferme les yeux mais, souffrant d’un emphysème pulmonaire, meurt en 1932.

Louise, qui a alors 21 ans, se réfugie dans l’étude des mathématiques, puis dans celle de l’art, entrant aux Beaux-Arts et fréquentant diverses académies. 1938 marque un tournant puisqu’elle épouse l’historien de l’art américain Robert Goldwater qu’elle suivra aux États-Unis dont elle fait sa deuxième patrie, y passant le reste de ses jours.

Pourtant, la distance n’atténue en rien ses tourments que l’exposition retrace en trois sections. Intitulée « Do Not Abandon Me » (« Ne m’abandonne pas »), la première explore le thème de la maternité avec, par exemple, des figurines à 5 seins représentant les cinq membres de sa famille (elle, ses 2 soeurs et ses parents ou encore elle, son mari et leur trois fils), quelques dessins et peintures de « Femmes Maisons », ainsi que le traumatisme ressenti à la mort de sa mère. Tout, la famille et la vie, semble se rattacher à cette mère nourricière, exploitée, écartelée, malmenée.

La deuxième « I HaveBeen to Hell and Back » (« Je suis allée en enfer et j’en suis revenue ») est axée sur la figure honnie du père avec des installations suggérant l’enfermement (série « Cell », « Cellule ») et sa fameuse série « Destruction of the Father » (« Destruction du père ») des années 70 où l’on assiste, dans des lumières rougeoyantes, à de violentes scènes de crime (dans une salle à manger, les enfants d’un père tyrannique se sont rebellés, l’ont assassiné puis dévoré, ou encore un sphinx géant à deux seins se fait décapiter dans une cave remplie de phallus et de mamelles).

La troisième et dernière partie, « Repairs in the Sky » (« Réparations dans le Ciel »), couvre une période d’apaisement et de réconciliation à partir des années 1990, après trente années d’une psychanalyse consécutive à la grave dépression ayant suivi la mort de son père, en 1951. On y voit en particulier de touchantes oeuvres textiles provenant de vêtements et accessoires ayant appartenu à ses proches (« Ode à la Bièvre »(2007) ou « Eugénie Grandet » (2009)), pièces cousues, brodées, ornées et rapiécées, comme si l’artiste avait voulu par là retisser la toile déchirée de sa vie, telle une éternelle « Maman ».

https://www.mori.art.museum/…/exhi…/bourgeois/index.html

Affiche de l’exposition
The Good Mother, 2003
Nature Study, 1983
The Feeding, 2007
The Couple, 2003
Femme Maison, 1947
Arc of Hysteria, 1993
Heart, 2004
The destruction of the Father, 1974
Shredder, 1993
Untitled, 1996
Repairs in the Sky, 1999
Pièce de la série « Eugénie Grandet » 2009
Louise Bourgeois en 1996
Illuminations de Noël à Roppongi Hills